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mardi 5 mars 2013

Je ne sais pas raconter d'histoires


Si à l'écrit je me comporte à peu prés correctement, à l'oral je suis bien souvent dans la confusion, les mots et images se bousculant dans ma tête et quand tout cela finit par arriver à la parole, c'est pire que l'ouverture du Virgin des Champs Elysées le jour d'une dédicace des One Direction. Ca ressemble aussi à un freinage avant brusque en vélo, les pensées de la roue arrière finissant par se retrouver avant les pensées de la roue avant. Ca se conclut par un gadin, qu'on appelle aussi un bide à l'oral.

J'ai à peu près le même regard quand je raconte.

Mais c'est un peu facile d'annoncer des vérités sans donner de preuves. Voici un exemple parlant, en imaginant que vous m'ayez demandé de résumer Django Unchained que je suis allée voir au cinéma vendredi dernier. C'est typiquement le genre de discussion que l'on pourrait avoir si on se trouvait face à face. Je vous dirais que je suis allée voir ce film, vous me demanderiez par politesse si j'ai aimé et, au fait ça parle de quoi ? (malheur à vous).

Je vous répondrais ceci :

Normalement c'est à ce moment-là que mon interlocuteur me dit "Non mais laisse tomber, en fait j'ai prévu d'aller le voir" (ça marche aussi avec les livres, et les recettes de cuisine).

Ce qui est incroyable, c'est que je combine toutes les maladresses orales du discours : ton monocorde, abondance de euh et de alors, silences mal placés, détails sans importance, retours en arrière confus et oublis de l'essentiel. Je devrais être un sujet d'étude en tant qu'exemple à ne pas reproduire dans toutes les écoles de commerce, de journalisme et de beaux parleurs.

C'est pour ça que je ne raconte jamais d'histoires, surtout drôles. C'est pour ça que je dis à mon mari "Vas-y, raconte-leur l'histoire du voisin de tes parents qui s'est empalé sur une grille et qui a failli attraper la gangrène et qu'on a soigné avec de la peau de requin" et qu'il me répond "A quoi ça sert maintenant que t'as raconté toute la chute ?". C'est pour ça aussi que les gens me confient "C'est marrant, quand on te connait, on soupçonne pas l'humour que tu as avec ton blog". C'est pour ça que j'ai jamais été capable de renseigner un passant perdu en lui expliquant que "tournez à droite au deuxième feu puis à gauche après la boulangerie, la rue est à gauche au premier rond-point".

Le pire dans tout ça est d'avoir conscience de cette pauvreté orale. Tandis que je raconte, j'ai toujours une petite voix intérieure qui me susurre "Mais qu'est-ce que t'es chiante. C'est pas possible d'être aussi chiante. Abrège, abrège, abrège !". Ca n'aide pas à la concentration, avouez. Tout en racontant, je dois aussi lutter contre cette voix intérieure, ce qui rajoute à la confusion du discours, ce qui rend alors la petite voix hystérique "MAIS FERME-LA !!!"

J'en suis venue à détester les gens polis et courtois, ceux qui n'osent te couper la parole et t'écoutent attentivement comme si tu étais prophète ou chirurgien. Les gens polis et courtois me font vivre un supplice avec leur oreille polie et courtoise, et leur réponse polie et courtoise  "Ah oui, ça a l'air intéressant, tu m'as donné envie" après mon interminable histoire sur ce poissonnier de supermarché qui n'aimait pas le poisson alors qu'on me demandait ma recette de sauce au beurre blanc.

Je préfère de loin les rustres qui ont besoin de remplir à nouveau leur verre, de soulager leur vessie ou d'appeler leur frère parce qu'ils viennent de se rappeler que c'était leur fête aujourd'hui ou celle de la copine de leur frère, voire l'ex-copine de leur frère. Ceux qui ne me donnent pas l'occasion de me perdre dans le dédale d'une conservation qui n'aura plus ni queue, ni tête, ni jambes, ni nez, ni doigts de pied, ni cheveux.

Qu'est-ce que je voulais dire déjà ?

vendredi 22 février 2013

Leçon de défaite


En tout parent germe un désir inavoué : avoir un enfant passionné.
On a tous été un jour ou l'autre imprégné par ces témoignages sur les enfants passionnés "A 7 ans, il apprend le piano classique plusieurs heures par jour. A 9 ans il impressionne les musiciens professionnels" (Oscar Peterson) ou encore "A l'adolescence il tuait des animaux" (Dexter)
Si tous les parent rêvent d'un enfant passionné c'est parce que, dans le meilleur des cas, on n'aura pas à s'interroger sur son avenir et à connaître ce moment de flottement passager quand, après le bac, il hésitera entre "un DEUG de sociologie, ou peut-être de civilisations étrangères, ou je sais paaaas" et que, dans le pire des cas, il aura toujours une passion pour le consoler dans les moments difficiles.
Oui, moi aussi je rêve d'enfants passionnés et je pensais naïvement qu'il me suffisait d'ouvrir grand les écoutilles pour découvrir ce qui pourrait faire vibrer ma fille.


L'année dernière, ma fille est restée subjuguée devant les images des Jeux Olympiques et notamment la gym. Elle m'a supplié "Maman, c'est ça que je veux faire !" La gymnastique est pour moi une discipline étrangère mais je reconnais son niveau d'exigence, aussi bien dans la discipline que dans les exercices, et les bénéfices qu'on peut en tirer avec une meilleure connaissance de son corps. J'ai dit Banco et merci les écoutilles !
C'est ainsi que le 10 février j'ai accompagné ma fille à sa deuxième compétition de gym. Celui qui s'est déjà plaint de la longueur d'un dimanche après-midi mais qui n'a jamais accompagné un enfant à une compétition sportive le dimanche après-midi, ne sait pas vraiment ce que veulent dire les mots longueur d'un dimanche après-midi.
Assisse dans une tribune d'une salle de sports municipale sans lumière extérieure, j'en étais à maudire mes écoutilles et tous les enfants passionnés de la terre, sur au moins cinq générations. Il m'était pratiquement impossible d'admirer ma fille en train de reproduire ces mouvements entre tout le bordel des agrès et la mise en lumière des plus grands disposés à l'avant de la salle, genre les roulades de ma fille ne sont pas assez spectaculaires.
Quatre heures plus tard (oui, vous avez bien lu), elle fut enfin appelée à se présenter pour la remise des prix avec son équipe. S'en suit une longue, très longue, liste de noms et d'équipes récompensés selon leur catégorie. D'ailleurs, à ce sujet, si vous souhaitez que votre fils  gagne un peu en estime de soi, je vous conseille la gym car il sera souvent seul dans sa catégorie ce qui laisse sous-entendre une médaille à tous les coups. Malheureusement ma fille est de sexe féminin et doit donc se mesurer à d'autres petites filles de sexe féminin qui doivent penser gym, boire gym, manger gym et même respirer gym. Quand j'ai vu que certaines équipes étaient habillées avec des survêtements floqués au nom de leur équipe dans le dos, j'ai bien compris que la bataille serait sanglante.
Hasard ? Coïncidence ? Bâtards de juges ? Pratiquement toutes les équipes de ce funeste dimanche furent récompensées, exceptée celle dont ma fille faisait partie. Evidemment mon petit coeur de maman avait à ce moment-là des envies de meurtre (toujours se méfier des petits coeurs de maman). Elle a tout de même eu le droit à un lot de consolation sponsorisé par le Mac Do du coin (oui, vous avez bien lu). 
C'est donc dans un silence plombé que nous revînmes de cette épreuve. Je craignais les sanglots et l'envie d'abandonner. J'eus le droit à la colère et l'envie d'en découdre.
C'est à ce moment-là que je compris que ma fille ne serait jamais une grande gymnaste et cela me chagrine un peu pour toutes les raisons évoquées plus haut. Mais finalement le non-renoncement dont elle fait preuve après une telle défaite devant un public m'a rendu encore plus fier d'elle, moi qui ai abandonné tellement d'activités quand j'étais jeune.
Et si sa passion c'était l'obstination ?


mardi 12 février 2013

Ceci est un avertissement




- Bien, Madame Electroménagère, si je vous ai convoqué aujourd'hui ce n'est pas pour vous donner une bonne nouvelle. Votre cas a été discuté très récemment lors du conseil annuel et même si la décision a été difficile à prendre, je suis malheureusement dans l'obligation de vous annoncer que nous allons devoir nous séparer de vous.
- Hein ? Quoi ? Comment ?
- Ecoutez, nous avons étudié attentivement vos chiffres et il faut admettre que c'est loin d'être une réussite. Prenons par exemple votre taux de commentaires, nous avons noté une baisse significative, bien en-dessous de la moyenne nationale.
- Non, mais attendez les commentaires, ça ne veut rien dire ! Peut-être que les gens n'ont rien à ajouter, que justement ils sont d'accord avec ce que j'écris. On dit bien "Qui ne dit mot consent".
- Admettons mais vous cumulez également un résultat médiocre en terme de lecteurs. N'avez-vous pas songé que si vous n'aviez pas de commentaires c'est également parce que vous n'aviez pas de lecteurs ? Regardez ce graphique, il est pourtant parlant non ?
- Je ne vois pas comment il pourrait parler, il n'a même pas de bouche.
- Ah ne jouez pas sur les mots, voyez où ça vous mène ! Moi je vous dis que ce graphique est parlant et qu'il dit "Arrêtez de creuser, vous êtes déjà au fond du trou".
- N'empêche que ce n'est pas parce que je n'ai ni commentaires, ni lecteurs que j'écris mal. C'est juste que je dois pas encore avoir trouvé mon public. Regardez Van Gogh, personne ne voulait de ses toiles et aujourd'hui il est considéré comme l'un des plus grands génies de la peinture.
- J'en déduis donc que vous souhaitez mourir seule et dans la misère. Considérez alors ce licenciement comme une réussite personnelle.
- Non mais d'abord, je viens de percuter ! Vous pouvez pas me virer, c'est mon blog, je fais ce que je veux, je ne suis même pas payée pour le faire. Et en plus vous n'existez même pas, vous n'êtes que le fruit pourri de mon imagination !
- Ah évidemment, des arguments de syndicaliste, je m'en doutais ! Bon, nous allons reconsidérez votre cas dans ce cas. Voyez que moi aussi, je suis adepte du jeu de mots. Enfin sachez que nous vous avons à l'oeil et que l'épée de Damoclès est au-dessus de votre tête alors vous feriez mieux de courber l'échine si vous ne souhaitez pas être scalpée. Ceci est un avertissement.
- Bon, je peux retourner travailler alors ?
- Oui mais faites un effort de grâce. Pensez performance, rentabilité, investisseurs. Et pensez à la France, Madame Electroménagère, la FRANCE !


Brigitte Gemme serait l'auteure du premier blog francophone en 1995. Il s'intitulait Montréal, Soleil et Pluie. Mais qui sera la dernière ?

lundi 11 février 2013

Ce ne sont que quelques briques




Papa est mort. Et Maman va revendre la maison.

C'est le moment de faire du Home Staging de sentiments parce qu'après tout il ne s'agit que de quelques briques, rouges qui plus est. D'autres familles étaient là avant nous, d'autres familles suivront. L'immobilier, bizarrement, bouge.

Les maisons familiales disparues, j'en ai tout un pâté de maisons dans la tête. La première de la rue est si irréelle que je me demande parfois si cette maison de campagne a vraiment existé. Elle est cachée dans une forêt, au milieu des bois. Les adultes y font leur week-end dans un confort rudimentaire et alors que les verres trinquent, je me balade avec le chien. Si l'on prend à droite, il y a la maison de grand-père et grand-mère, pompeusement nommée villa balnéaire. En ouvrant la porte de la cuisine, on atterrissait directement dans les dunes, un terrain de jeu aujourd'hui ensablé sous d'autres villas balnéaires.  A gauche, la maison de papi et mamie, tellement immense, tellement impressionnante que la nuit je n'osais sortir de mon lit pour aller faire pipi. Au bout de l'allée, on pourra contempler la maison de la tante, celle des cousins des champs qui venaient voir les cousines des villes.

On a perdu les clés de toutes ces maisons. Quand on n'est pas héritier direct, on fait preuve d'égoïsme, on se paie le luxe des regrets et des sentiments d'abandon parce qu'on peut faire l'impasse de la cave inondée, de la toiture à refaire, du jardin à entretenir et des escaliers trop abrupts. On a quitté cet endroit il y a bien longtemps déjà et on voudrait ne pas accorder ce droit aux autres. C'est qu'on serait presque des petits cons.

Petite, Maman t'a montré la maison de ses grands-parents, la tombe des aïeux inconnus. Ca ne te fait ni chaud, ni froid, ni tiède. On n'hérite pas des souvenirs des autres, en tout pas de ceux qui pèsent plus de 200 kilos. Ce serait trop lourd à porter et on a déjà notre lot de souvenirs encombrants.

Papa est mort. Et Maman va revendre la maison.



Il existe un site français consacré à tous les lieux abandonnés dans le monde Urbex France. L'activité de visiter des lieux abandonnés s'appelle l'exploration urbaine.

mardi 29 janvier 2013

Les enfants honteux de la télé


Il y a donc ceux qui ont une télé et s'en portent bien, ceux qui n'ont pas de télé et s'en portent bien mais il y a aussi une minorité silencieuse qui, comme moi, navigue entre deux canaux, rongé par la culpabilité de ne pas réussir à se défaire de cette lucarne.

Oui, je fais partie de ces enfants honteux de la télé. Et je n'ai pas honte de le dire (de façon anonyme, derrière un blog).


Pourtant y'a Arte ou Moi je ne regarde que les programmes intelligents.
Sauf qu'en regardant Arte, les programmes ont tous l'air de vouloir dire "Mais qu'est-ce que tu fous là ? Tu ferais mieux de lire ce livre, écouter cette symphonie, voir ce film et assister à cette pièce de théâtre". Arte est en quelque sorte le purgatoire de la télé. Quand on s'adonne à une pratique honteuse, on aimerait au moins pouvoir le faire en paix, sans avoir à entendre un discours moralisateur du Grand Frère sur notre paresse à ne pas vouloir changer les choses. Et en plus, le discours est en allemand.

Il suffit de se limiter
J'ai parfois entendu ce genre d'arguments de la part de ceux qui étaient capables de fumer deux fois par an, un peu avant et un peu après le réveillon. Si je ne peux qu'admirer leur volonté, ça se discute et j'en viens parfois à me demander si ces gens n'ont pas un total manque de curiosité ou un côté masochiste. Et puis limiter la télé ça signifierait qu'on place certains programmes au-dessus des autres et là je m'interroge : Julien Lepers est-il essentiel à ma vie ? Au bout de combien d'épisodes de Les Experts risque t-on une overdose ?  Même en se limitant d'ailleurs, on n'arrivera pas à se défaire du grand fléau appelée La Pub, seul capable de faire apprendre à nos enfants, sans qu'ils s'en rendent compte, des poésies telles que "zéro tracas, zéro blablas".

Notez bien que les arguments pro-télé sont toujours nuancés et avancés par des personnes sirotant du Coca-Light. Et peut-on réellement faire confiance aux gens sirotant du Coca-Light ?

Tu verras, tu ne le regretteras pas
Il est trop tard pour de telles promesses parce que je le regrette déjà rien qu'en pensée. Et un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. On s'interroge souvent sur la génération connectée mais on oublie la génération cathodée, la mienne, qui fut élevée dans la croyance que toute évolution technologique était bonne à prendre. Nos parents auraient eu l'air d’arriérés privant leurs enfants de toute évolution s'ils n'avaient succombé aux charmes de la télé couleur, du magnétoscope, de l'ordinateur, des jeux vidéos et du lecteur DVD. Cet argument est donc sans valeur car il ne mesure pas la portée du sacrifice imposé. On ne demande qu'à en rire mais en réalité on est mort de trouille à l'idée de se séparer de cet écran qui a partagé toute notre enfance.

La télé, ça rend con
Honnêtement si la télé rendait vraiment con, un super méchant aurait déjà profité de l'astuce pour devenir maître du monde. Barack Obama est bien la preuve que la télé ne rend pas con. Elle peut, au pire, ne pas vous rendre plus intelligent mais uniquement à la condition que vous le soyez déjà. Imaginons que demain la terre entière soit privée de télé : s'il est possible que les salles de théâtre fassent à nouveau salle comble, il est tout aussi possible qu'on relance le sport de lancers de nains et les jeux du cirque. La télé ne rend donc pas con, mais y'a bien des cons qui la regardent à défaut de faire d'autres conneries. La question de fond serait donc : suis-je assez intelligente pour que la privation de télé me conduise à une vie plus saine et plus enrichissante ? Hum...

Notez bien que les arguments anti-télé sont toujours non nuancés et avancés par des personnes sirotant du lait de soja. Et peut-on réellement faire confiance aux gens sirotant du lait de soja ?

Par pitié, ne tentez pas de me convaincre de choisir entre l'un des camps, ce n'est pas A vous de juger. Par contre, je serais curieuse de savoir si d'autres ont le courage de cette lâcheté et d'admettre qu'ils merdent comme moi en toute connaissance de cause.

jeudi 24 janvier 2013

Mes chers voisins



Entre vous et moi, il y a un mur d'incompréhension. Pour être précise, un mur de briques de 2,5 cm.

Je me rends bien compte que ces barrières entre nous ne facilitent guère la communication, ce qui, d'un autre côté, légitimerait les bienfaits de l'open space au niveau professionnel. Peut être devrions étendre cette distribution de l'espace dans la sphère privée.

En attendant ce jour, je suis bien obligée de deviner, plus que de comprendre, les signaux que vous m'envoyez sur votre existence cloisonnée.

Je m'adresserais d'abord à ma voisine de gauche car je suis certaine qu'elle lit ce blog. Comment expliquer autrement que me parvienne ainsi votre rire tonitruant à longueur de journée ? Bien que je me sente flattée, j'aimerais que vous reconsidériez vos heures de passage sur ce blog, de façon à ce que ne coïncident pas ma lecture de Saint Augustin avec votre lecture de Demeninges.

Je passerais ensuite au jeune du 1er étage. J'avoue ne pas saisir votre besoin d'écouter en boucle La Bohême. Peut être cela reflète t-il votre état d'esprit du moment mais dans ce cas, permettez-moi de vous dire que se sentir proche de La Bohême alors que l'on habite un coquet appartement avec portail de sécurité et jardin privatif relève du non-sens et même du foutage de gueule. Et honnêtement, la Bohême est une chanson que les moins de 20 ans ne devraient pas connaître. Est-ce à moi de vous rappeler que vous avez Booba et Rihanna pour épancher votre peine ? A moins que vous ne soyez atteint de la même maladie que Benjamin Button, ceci expliquerait à la fois vos goûts musicaux et le volume sonore utilisé.

Enfin, je me dois de terminer avec ma voisine du dessus. Nous serions dans un immeuble open-spacé, vous auriez vite compris que mon mari et moi-même ne souhaitons n'avoir aucun contact avec vous. Pour être honnête, vous nous êtes autant désagréable à l'oeil, qu'au nez et qu'à l'oreille (heureusement que les relations de voisinage ne nous obligent pas à vous toucher et à vous goûter). Dès que vous apparaissez dans les lieux communs, trois de mes sens sont en alerte, je planque mes enfants dans les moindres recoins de la maison pour qu'ils ne soient pas à votre portée et je tente d'abréger mes souffrances en invoquant les choux dans un four ou un four dans les choux. Oui, nous devrions vivre ensemble que vous auriez vite compris que je ne partage pas vos opinions sur la dégradation des rapports humains liée au mélange culturel, ni vos propos calomnieux sur vos voisins directs.

Il y a là une injustice flagrante de savoir que vous habitez juste au-dessus de chez moi, donc plus près du ciel que je ne le suis et une preuve tangible que l'ascenseur social comporte bien des anomalies. Le monde serait plus juste qu'il vous ferait vivre dans la cave.

Voyez voisins, je m'inquiète à votre sujet (à tel point que ça m'empêche de travailler)

Néanmoins, dans un souci d'égalité et parce que les murs ont deux côtés et donc qu'ils sont porteurs aussi bien de vos activités que des miennes, je me dois de vous expliquer également mes propres signaux. Si je ris, c'est parce que je me relis. Si mon fils se jette avec fracas par terre tout en tapant des pieds et des poings, c'est parce qu'il se débat dans un conflit intérieur entre autonomie (quand j'ouvre le bouchon de sa compote à sa place) et dépendance (quand je lui suggère de se brosser les dents avec ses propres mains). Enfin si ma fille vous réveille à six heures, c'est uniquement dans le but de vous faire partager cet instant de plénitude qu'est l'aube, ce moment délicat pendant lequel les autres dorment encore et où tout est silencieux. Si elle fait du bruit, c'est uniquement pour que vous ne ratiez pas ce silence.

Je conclurais par ce proverbe :
On voit la paille dans l'oeil du voisin, mais pas la poutre dans le sien

Je me permets de douter d'une telle affirmation sachant que je suis de petite nature et qu'un tel objet dans mon orbite oculaire me procurerait sans doute une réelle souffrance.

mardi 22 janvier 2013

L'âge de glace


Enceinte, je ne me souviens pas avoir signé un contrat dans lequel il était déclaré probable qu'un matin d'hiver la vue de ma fille derrière la vitre d'un bus soit le dernier souvenir que je garde d'elle pendant plusieurs jours. Non, enceinte, personne n'a osé aborder avec moi le sujet de la classe de neige, et je le regrette bien. Six années n'auraient pas été de trop pour me faire à cette idée.

Pourtant, question coeur de pierre, je me plaçais tout de même dans la catégorie marbre, celle qui inclut toutes celles n'ayant jamais versé une larme que ce soit pour Ghost ou Baby Boom. Même les deux réunis.
Mais aujourd'hui il y a eu le départ de classe de neige.

La première difficulté étant qu'un départ de classe de neige se fait toujours par un matin froid d'hiver, morne et sans relief. Il suffirait que l'on fasse cela un mois d'août, les tongs aux pieds, pour que tout cela devienne moins pénible mais le hasard du calendrier nous oblige à deviner le sourire contrit de notre enfant derrière une vitre forcément embuée tout en tremblant de la tête aux pieds, en passant par le coeur.

Tout comme les neiges éternels, les adieux le sont aussi. Parce que les retardataires, les précautionneux, les valises et les chauffeurs de bus n'ont pas le même désir secret d'en finir au plus vite. On avait pourtant, à force d'expériences et au fil du temps, établit la tactique des au revoir rapides pour que le revoir soit la seule chose à retenir. Mais un départ de  classe de neige se fait au ralenti, prémices de la lenteur de ces cinq prochains jours. 24 lancers de baisers et 51 signes de la main tout en scrutant la fermeture des portes du bus, se demandant si nos yeux seront assez courageux pour tenir prisonniers des larmes malvenues.
"Pleure pas si t'es un homme" se dit la mère.

Vient enfin la délivrance, qui cède instantanément la place à l'angoisse. Ne pas penser à cette association d'idées bus rempli d'enfants et virages de montagne, ne pas garder à l'esprit l'image de son enfant sans camarade assis à ses côtés (elle serait impopulaire ?), ne pas imaginer tout ce qui pourrait mal se passer, ne pas comparer avec sa propre expérience traumatisante de classe de neige et vérifier que le démêlant n'est plus à sa place et donc bien dans sa valise.

Je suis de marbre mais ma fille coule dans mes marbrures. Je la confie à la neige, en espérant qu'elle lui tienne chaud comme moi seule normalement sait le faire.

Justement parce que ce n'est que le début, que le premier départ, il n'en est que plus difficile. La classe de neiges des enfants est l'âge de glace des parents.