jeudi 28 février 2013

La reine des hystériques


Hier j'ai lu un livre, ça s'appelle "Blanche et Marie" de Per Olov Enquist (979ème de la liste)



Le procédé littéraire de ce roman est pour le moins surprenant. Per Olov Enquist invente un tout autre destin à Blanche Wittman, surnommée "La reine des hystériques". Partant d'un fait réel, son séjour à la Salpêtrière en tant que patiente "favorite" du Docteur Charcot, il l'associe à des évènements tout à fait fictifs. A sa sortie et après la mort du docteur Charcot, elle deviendra donc l'assistante de Marie Curie et finira amputée des deux jambes et d'un bras suite à la manipulation répétée du radium. Enfin, l'auteur nous incite à croire qu'elle aurait écrit de nombreux carnets ayant pour objet de répondre au pourquoi et au comment de l'amour à travers son expérience personnelle. Mais le plus surprenant, c'est que ce roman prend une forme inachevée. Il ne s'agit pas ici d'un récit mais d'une base de travail romanesque. C'est comme si l'auteur nous livrait ses réflexions sur les livres des questions de Blanche, d'où les nombreuses répétitions et les numéros attribués à certains paragraphes tels des annotations.

Per Olov Enquist est, parait-il, familier de ce genre de procédé qu'on qualifie de roman du mouvement documentariste suédois. On juge parfois à tort que des termes tels que "roman du mouvement documentariste suédois" ne laissent présager une obscure nébuleuse. Et parfois, on a raison. En gros les termes de "roman du mouvement documentariste suédois" veulent bien dire ce qu'ils laissent sous-entendre. Il m'a fallu de l'acharnement pour tenir les 150 premières pages et enfin démêler les fils du raisonnement. 

On est où là ? Dans la réalité ? La fiction ? La réalition ? La fictalité ? Apportez-moi une aspirine ! (vous en voulez peut-être aussi ?) Même si le roman n'a jamais eu pour ambition de décrire la réalité, cette manière de procéder nous amène continuellement à vouloir débusquer le vrai dans le faux.

Un livre d'amour

Passé les 150 premières pages, on découvre que ce livre met en parallèle deux histoire d'amour : l'une inventée entre Blanche et le Docteur Charcot et l'autre réelle entre Marie Curie et Paul Langevin, célèbre physicien français. C'est cette dernière m'a le plus touchée peut être parce que cette histoire tragique a vraiment existé mais surtout parce qu'elle est tragique. Certains passages sur l'amour ont la grâce touchante des réflexions universellement partagées.

C'est si douloureux qu'elle soit si près. L'inaccessible ne devrait pas se trouver à portée de main.

Un livre féministe

Ce n'est qu'en refermant le livre que m'est apparu toute cette dimension féministe. On a d'un côté le témoignage de Blanche sur l'hôpital de La Salpêtrière, une forteresse dans laquelle on enfermait toutes les femmes qui, selon l'époque, avaient été troublées par l'amour (les épileptiques, les hystériques, etc) mais aussi toutes celles qui étaient de trop et qui n'avaient plus de protecteur. La description qui semble coller à ce qui a vraiment existé met en évidence la façon dont on considérait à l'époque les femmes comme un territoire inconnu et dangereux.

C'est là qu'elles furent conduites, Blanche, Jane et les autres six mille ombres gorgées d'un sang bouillonnant qui se croyaient encore des êtres humains.

De même l'histoire entre Marie Curie et Paul Langevin met en lumière l'injuste traitement d'une femme ayant une liaison avec un homme marié au début du 20ème siècle. Ce scandale sera traitée avec une rare violence par la société française : publication des lettres d'amour dans la presse, le conseil des ministres discutant du cas pour savoir si Marie Curie ne devrait pas quitter la France, silence total de la France lors de l'obtention de son deuxième prix Nobel, etc. Marie Curie devra alors fuir plusieurs fois Paris pour protéger ses filles de cette haine.Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, dans le roman (car je ne sais pas si c'est réellement le cas) Marie trouve refuge à Londres parmi les suffragettes.

C'était la première fois que quelqu'un recevait un deuxième prix Nobel. Pas un mot sur cette distinction dans la presse française. La honte ! La honte qu'une dépravée ait brisé une famille française, et la honte aussi pour la France qu'un chercheur "français" ait reçu un prix Nobel dans ces conditions répugnantes !
Il valait donc mieux le taire.

mercredi 27 février 2013

Leçons de bonheur : les belles rencontres se font ailleurs



"Moi je pense que les belles rencontres, elles se font partout. Mais surtout ailleurs."


Mais si elles se font surtout ailleurs, ça veut dire que t'es surtout jamais là où il faut. 


mardi 26 février 2013

Hôtel Transylvanie : n'y posez pas les valises (et encore moins vos enfants)


Pour qu'on ne me prenne pas pour une mère despote du 7ème art avec ma liste, je voulais vous rassurer en précisant que j'emmenais également ma fille voir des films de son époque. C'est ainsi que le dimanche 17 février nous sommes allées voir Hôtel Transylvanie.



- Alors, tu as aimé le film ?
- Oui, maman, c'était bien !

M'étant monstrueusement ennuyée pendant toute la séance, je ressentis une pointe de déception en découvrant qu'on n'avait pas les mêmes goûts. Puis finalement je me suis rendue compte que depuis qu'elle était en âge d'aller au cinéma, la critique était invariablement la même  "Oui, maman, c'était bien !". Il y a deux explications possibles : soit ma fille n'a aucun sens critique, soit les enfants, en tout cas entre 4 et 6 ans, aiment plus aller au cinéma que le cinéma en lui-même. J'ai l'impression que les enfants peuvent simuler involontairement un enthousiasme de peur qu'une critique négative ne les prive de cinéma.
Les DVD confirmeraient cette hypothèse. Une fois terminé, le film est toujours bien mais certains ne ressortent jamais de leur boîte tandis que d'autres sont usés jusqu'aux rayures. Pourtant, quand je l'interroge, ils sont tous bien et quand je lui demande ses préférés, elle répond "Il sont tous bien"
Ca ne veut pas dire pour autant qu'elle n'ait pas aimé Hôtel Transylvanie mais ça ne veut pas dire qu'elle l'ait aimé non plus.

On se contentera donc, encore une fois, de ma critique -sanglante- de ce film.

Les travers de la 3D
J'ai vu ce film en 2D mais ce film est également disponible en 3D. Le fait est que pas mal de séquences semblent avoir été construites uniquement dans le but d'offrir du spectacle tridimensionnel. On retrouve alors des mouvements de caméra qui viennent, comme pour un train fantôme, zigzaguer sans apporter aucune valeur ajoutée au scénario. Et comme en plus j'étais en 2D, cela n'a aucun rendu spectaculaire.

Les travers de la double-lecture
C'est le nouveau credo des films d'animation, il faut à la fois que les parents et les enfants s'amusent. Si cette double-lecture a effectivement permis quelques perles du genre, j'ai envie de dire que quand c'est raté, c'est doublement raté. Et puis honnêtement, la double-lecture commence à me taper sur le système. Si l'on va voir un film pour enfants, c'est bien pour les enfants, je n'ai pas besoin qu'on vienne y ajouter quelques blagues (vaseuses) qui ne concernent que moi. Ou alors, la prochaine fois, je demande à payer moitié-prix pour nous deux vu qu'on est censé se partager le film.

Tout il est beau, tout le monde il est gentil
Venons-en à l'histoire. L'hôtel Transylvanie a été construit par le comte Dracula qui souhaitait créer un havre de paix pour toutes les créatures monstrueuses de la terre mais surtout réfréner l'envie de sa fille Mavis de vouloir découvrir le monde (pourquoi partir vu que tout le monde vient ?). Parce que le comte Dracula, comme tous ses compères de l'horreur, ont en commun la même hantise : la cruauté des humains. Tout se passe bien dans le meilleur des mondes affreux jusqu'à ce qu'un jeune humain ne découvre l'hôtel et Mavis pour laquelle il aura un "zing". Passons sur la fin prévisible dès les premières minutes ainsi que le terme de zing censé remplacer élégamment le coup de foudre, bon, à la limite.

Le plus décevant finalement est cette morale "Il est difficile de laisser partir ses enfants mais il est encore plus difficile de les voir malheureux", un thème un peu similaire à Rebelle pour le conflit parent-enfant. Dans Rebelle, il y avait un vrai affrontement et une vraie tension alors qu'Hôtel Transylvanie ne montre qu'une dispute de circonstance entre le père et la fille. Il n'y a d'ailleurs aucun méchant dans ce film et les monstres ne sont qu'un ramassis de chiffes molles.

La Transylvanie, ce n'est vraiment plus ce que c'était. Si on ne peut même plus compter sur Frankenstein pour effrayer les enfants, il nous reste quoi ? Mme de Fontenay ?

lundi 25 février 2013

Les misérables n'ont pas la parole


Normalement, les vacances de février devraient nous priver des séances de cinéma pour enfants que j'organise avec ma fille mais ayant du retard dans mes rapports, je peux vous livrer les impressions du film vu il y a maintenant deux semaines. J'essaie de varier les plaisir et déplaisirs en alternant films en couleurs et films en noir et blanc (ces derniers n'ayant pas les faveurs de ma fille). Après un péplum haut en couleurs, j'ai donc proposé Le Kid de Charlie Chaplin (film en noir et blanc et muet).


Chaplin, Jean qui rit et Jean qui pleure
- Tu connais Charlie Chaplin ?
- Oui, Maman, c'est le cousin de Mister Bean !

Il ne faut surtout pas vendre Chaplin en tant que comique à ses enfants , surtout si vous vous lancez dans un film comme Le Kid. Même si quelques gags visuels font effectivement leur effet, cette histoire est un tire-larmes. Une femme seule et sans ressources sort de la maternité. Acculée, elle décide à contre-coeur d'abandonner son enfant. Finalement, le bébé se retrouve dans les bras de Chaplin, un vagabond qui vit dans un appartement de misère. Cinq années passent et Chaplin et l'enfant vivent d'amour et de petites arnaques (l'enfant casse des vitres pour que Chaplin les répare). Lorsque le garçon tombe malade, Chaplin, inquiet, appelle un médecin qui voit d'un très mauvais oeil cette adoption fortuite. Il décide alors d'appeler l'orphelinat. Pendant ce temps, la mère, devenue riche et célèbre, met tout en oeuvre pour retrouver son enfant.

Les méchant ne sont pas ceux que l'on croit
L'intérêt majeur de ce film est de montrer aux enfants que les méchants ne sont pas toujours là où on les attend et que les gentils ne sont pas toujours récompensés par la vie. Chaplin et l'enfant sont continuellement malmenés par ceux qui doivent faire régner l'ordre et la justice (le médecin, la police) mais quand l'ordre est arbitraire et la justice aveugle, les gentils deviennent des méchants, des êtres insensibles.
Quand le médecin décide de séparer l'enfant et Chaplin, la scène est poignante et résonne encore pendant longtemps dans la tête les cris de l'enfant, pourtant muets. Ma fille a tout de suite compris l'injustice de la situation bien que les conditions de vie de l'enfant avec Chaplin sont loin d'être idylliques. Il y a dans ce film de quoi germer dans la tête de nos bambins l'idée de désobéissance civile.

Doit-on cacher la misère aux enfants ?
Le film Le Kid date de 1921, les Etats-Unis sont alors en pleine crise économique d'après-guerre et doivent faire face à un important taux de chômage. La misère est partout. Finalement ce qu'il y a de plus triste dans ce film, c'est de constater que la misère n'a pas évolué. Qu'un pauvre d'aujourd'hui a les mêmes conditions de vie qu'un pauvre de 1921 (à part peut-être qu'on n'abandonne rarement un enfant dans la rue aujourd'hui).
On voudrait pouvoir entourer nos enfants de tout ce qu'il y a de plus beau dans ce monde et cela nous conduit parfois à détourner leur regard quand la misère se montre. C'est peut-être une erreur parce que les enfants ont bien souvent un élan de compassion naturel quand ils sont confrontés à la misère et ne pas leur cacher permet de maintenir en eux ce sentiment qu'on a tendance à faire taire une fois devenus grand. 

La preuve est faite que les bouilles d'amour ne durent que le temps des bouillies. Jackie Coogan, l'enfant qui joue Le Kid, deviendra plus tard l'oncle Fester dans la série de La Famille Adams.

vendredi 22 février 2013

Leçon de défaite


En tout parent germe un désir inavoué : avoir un enfant passionné.
On a tous été un jour ou l'autre imprégné par ces témoignages sur les enfants passionnés "A 7 ans, il apprend le piano classique plusieurs heures par jour. A 9 ans il impressionne les musiciens professionnels" (Oscar Peterson) ou encore "A l'adolescence il tuait des animaux" (Dexter)
Si tous les parent rêvent d'un enfant passionné c'est parce que, dans le meilleur des cas, on n'aura pas à s'interroger sur son avenir et à connaître ce moment de flottement passager quand, après le bac, il hésitera entre "un DEUG de sociologie, ou peut-être de civilisations étrangères, ou je sais paaaas" et que, dans le pire des cas, il aura toujours une passion pour le consoler dans les moments difficiles.
Oui, moi aussi je rêve d'enfants passionnés et je pensais naïvement qu'il me suffisait d'ouvrir grand les écoutilles pour découvrir ce qui pourrait faire vibrer ma fille.


L'année dernière, ma fille est restée subjuguée devant les images des Jeux Olympiques et notamment la gym. Elle m'a supplié "Maman, c'est ça que je veux faire !" La gymnastique est pour moi une discipline étrangère mais je reconnais son niveau d'exigence, aussi bien dans la discipline que dans les exercices, et les bénéfices qu'on peut en tirer avec une meilleure connaissance de son corps. J'ai dit Banco et merci les écoutilles !
C'est ainsi que le 10 février j'ai accompagné ma fille à sa deuxième compétition de gym. Celui qui s'est déjà plaint de la longueur d'un dimanche après-midi mais qui n'a jamais accompagné un enfant à une compétition sportive le dimanche après-midi, ne sait pas vraiment ce que veulent dire les mots longueur d'un dimanche après-midi.
Assisse dans une tribune d'une salle de sports municipale sans lumière extérieure, j'en étais à maudire mes écoutilles et tous les enfants passionnés de la terre, sur au moins cinq générations. Il m'était pratiquement impossible d'admirer ma fille en train de reproduire ces mouvements entre tout le bordel des agrès et la mise en lumière des plus grands disposés à l'avant de la salle, genre les roulades de ma fille ne sont pas assez spectaculaires.
Quatre heures plus tard (oui, vous avez bien lu), elle fut enfin appelée à se présenter pour la remise des prix avec son équipe. S'en suit une longue, très longue, liste de noms et d'équipes récompensés selon leur catégorie. D'ailleurs, à ce sujet, si vous souhaitez que votre fils  gagne un peu en estime de soi, je vous conseille la gym car il sera souvent seul dans sa catégorie ce qui laisse sous-entendre une médaille à tous les coups. Malheureusement ma fille est de sexe féminin et doit donc se mesurer à d'autres petites filles de sexe féminin qui doivent penser gym, boire gym, manger gym et même respirer gym. Quand j'ai vu que certaines équipes étaient habillées avec des survêtements floqués au nom de leur équipe dans le dos, j'ai bien compris que la bataille serait sanglante.
Hasard ? Coïncidence ? Bâtards de juges ? Pratiquement toutes les équipes de ce funeste dimanche furent récompensées, exceptée celle dont ma fille faisait partie. Evidemment mon petit coeur de maman avait à ce moment-là des envies de meurtre (toujours se méfier des petits coeurs de maman). Elle a tout de même eu le droit à un lot de consolation sponsorisé par le Mac Do du coin (oui, vous avez bien lu). 
C'est donc dans un silence plombé que nous revînmes de cette épreuve. Je craignais les sanglots et l'envie d'abandonner. J'eus le droit à la colère et l'envie d'en découdre.
C'est à ce moment-là que je compris que ma fille ne serait jamais une grande gymnaste et cela me chagrine un peu pour toutes les raisons évoquées plus haut. Mais finalement le non-renoncement dont elle fait preuve après une telle défaite devant un public m'a rendu encore plus fier d'elle, moi qui ai abandonné tellement d'activités quand j'étais jeune.
Et si sa passion c'était l'obstination ?


jeudi 21 février 2013

Non mais sérieusement, il y a quoi après la mer ?


Hier j'ai lu un livre, ça s'appelle "Les arpenteurs du monde" de Daniel Kehlmann (984ème de la liste)



Bien que j'eusse déclaré dans ma lecture du livre précédent mon non-désir de savoir ce qu'il y avait après la mer, le hasard a voulu que ce livre-là soit justement consacré à l'exploration.

Les arpenteurs du monde sont deux scientifiques allemands du 19ème siècle ayant réellement existé, Gauss et Humbolt, bien connus dans leur pays d'origine. Alors que le premier s'occupe du monde "abstrait" (on le surnommait "Le prince des mathématiciens"), le second se fascine pour le monde réel en lançant une expédition de 5 ans vers les Amériques pour recueillir toutes sortes de données et de mesures, aussi bien géographiques que biologiques.

Il paraît que ce livre a connu un succès foudroyant en Allemagne, les allemands étant particulièrement fiers de ces deux génies. Il y a en plus une ironie tout au long du récit, pointant notamment du doigt cette fameuse rigueur allemande. Ainsi Bonpland, le compagnon français de Humbolt lors de son expédition, lui demande "Fallait-il toujours être aussi allemand ?". Il y a un côté Bienvenue chez les Ch'tis qui se moque avec tendresse des traits de caractère d'une population.

Honnêtement, les questions mathématiques et géographiques ne m'intéressent guère mais j'ai réalisé avec Les arpenteurs du monde la situation tragi-comique des scientifiques, quelle que soit l'époque.

"C'était étrange et injuste, dit Gauss, et une illustration parfaite du caractère lamentablement aléatoire de l'existence, que d'être né à une période donnée et d'y être rattaché, qu'on le veuille ou non. Cela donnait à l'homme un avantage incongru sur le passé et faisait de lui la risée de l'avenir"

Evidemment les scientifiques ne sont pas les seuls à se plaindre des limites de notre période (peut être que dans 100 ans les cancers seront tous guéris, et que l'épilation ne fera plus souffrir) mais ils sont sans doute les seuls à le regretter quotidiennement.

"Humbolt l'assura en hâte qu'il lui avait simplement dit de ne pas surestimer les résultats d'un scientifique, un savant n'était pas un créateur, il n'inventait rien, ne conquérait aucun pays, ne cultivait pas de fruits, ne semait rien et ne récoltait rien non plus, et d'autres lui succéderaient qui en sauraient plus que lui, puis d'autres encore qui en sauraient davantage encore, jusqu'à ce que tout sombre à nouveau."

Humbolt est également très connu des amateurs de chocolat grâce à cette citation "La fève de cacao est un phénomène que la nature n'a jamais répété; on n'a jamais trouvé autant de qualités réunies dans un aussi petit fruit.

mercredi 20 février 2013

Leçons de bonheur : l'argent ne le fait pas


C'est pas joli, joli de mentir !

Le budget de ce blog étant ce qu'il est, nous n'avons pu reproduire l'expérience avec des billets de banque mais nos confrères suisses nous assurent que le résultat est comparable.

mardi 19 février 2013

Les gens qui vont au théâtre sont-il des gens comme les autres ?


A 10 minutes à pied de chez moi, il existe l'un des théâtres les plus réputés de France, en fait je ne devrais même pas dire un théâtre mais plutôt un "thé-ÂÂÂ-tre". Il s'agit du TNP, le Théâtre National Populaire. D'abord implanté à Paris, il a été transféré dans ma ville dans les années 70. Son concept est somme toute assez simple, il s'agit de faire du "théâtre élitaire pour tous". Déjà ça commence bien, je ne savais même pas que le mot élitaire existait, même la définition est élitiste, pour vous dire le délire.

Pour ne pas mourir idiote - alors que ça ne veut rien dire, quand on meurt, idiot ou pas, je suppose que l'étendue de nos connaissances ne nous aide pas beaucoup - j'ai offert à mon mari des places pour des pièces jouées au TNP. Il ne restait déjà plus beaucoup de choix parmi la programmation de la saison et j'ai donc choisi un peu à la pique-nique-douille selon les dates qui pouvaient nous convenir.

C'est ainsi que le soir de la Saint Valentin, mon mari et moi sommes donc sortis sans les enfants, bras dessus bras dessous, pour voir la pièce "Fin de partie" de Samuel Beckett. Sur la route nous conduisant au théâtre, nous étions encore stupéfaits par notre liberté d'adultes sans enfants.

J'ai dit "Ah ! Nous voilà vieux, nous allons au thé-ÂÂÂ-tre ce soir"

Mais non, nous voilà jeunes ! Dans les couloirs du bâtiment, nous rencontrons des brushings violacés et des pardessus- chapeaux-écharpes manifestement coincés dans l'espace-temps mitterrandien, agissant sur nous comme une cure de jouvence. Hélas, l'effet s'efface dès que l'on s'installe dans la salle et que l'on aperçoit les jeunes, les vrais, avec un trop-plein de cheveux et de chèches. Installés en plein milieu de la salle, nous réalisons que nous sommes prisonniers et qu'aucun échappatoire - à part le sommeil - ne sera possible. L'angoisse commence.

Mais le rideau s'ouvre. Sur une pièce entièrement grise avec pour seules ouvertures deux fenêtres minuscules se faisant face ainsi qu'une porte sans porte. Au centre, un grand drap légèrement tâché de sang semble cacher un fauteuil immense et, on le devine, un être humain. Au premier plan, deux poubelles identiques font office de mobilier.

Un bossu inquiétant à la démarche désarticulée fait son apparition par la porte sans porte. Il déambule à travers la pièce, se met à l'inspection de chaque élément en concluant à chaque fois par un rire bref et malsain.

Après cette étrange chorégraphie, le tordu-bossu s'adresse enfin à nous et déclare :

"Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir »



Je n'ose même pas regarder mon mari,de peur d'avoir à affronter un regard suppliant et plein de reproches "Te rends-tu compte que l'on va gâcher 1H40 de notre vie ?"

Et puis - Oh comme c'est cliché  ! - la magie du théâtre a opéré. Contrairement au papier, à la pellicule, au numérique, le théâtre abolit toute distance pour vous ancrer dans une réalité faite de chair, d'os et de sang; c'est un grand monsieur qui vous regarde et vous pointe du doigt en annonçant "Ecoute bien ce que je vais te dire".Impossible d'y échapper à moins de faire preuve de grossièreté. Il faut alors accepter d'être imprégné par tout ce vivant.

Je serais bien incapable de vous résumer "Fin de Partie" de Beckett, qu'on qualifie de théâtre existentialiste, qu'on peut qualifier de théâtre exigeant. Mais l'expérience fut forte, vibrante, dérangeante, irréelle dans sa réalité.

Alors au lieu de se demander si les gens qui vont au théâtre sont de gens comme les autres, on devrait plutôt se pencher sur la question suivante :

"Les gens qui reviennent du théâtre sont-ils des gens comme les autres ?"

lundi 18 février 2013

Par les Dieux tout puissants


Pour notre habituelle séance Ciné Classic du samedi, ma fille et moi  avons ajouté un nouveau genre à notre filmothèque grâce à Jason et les Argonautes. J'avais oublié que les péplums étaient de ces moments de cinéma divertissants, délicieusement anachroniques et agréablement soporifiques (je me suis tout de même endormie 3 fois)

Une vraie bande de bras cassés
Ma fille ayant catégoriquement refusé de donner un résumé de Jason et les Argonautes sous prétexte que je l'avais vu en même temps qu'elle et que ça supposait que je pouvais très bien le faire moi-même et qu'il fallait pas que j'abuse avec mon blog, bref ayant refusé, on se contentera cette semaine de mon point de vue d'adulte qui a, quand il ne dormait pas, épié les réactions d'un enfant de 6 ans pendant qu'il regarde un péplum.

Colchide dans les prés

"Moi je crois que c'est vous qui allez vous faire massacrer !"

On évitera de mettre à portée de main d'un enfant qui regarde un péplum tout objet tranchant tant il est pris dans l'aventure. Evidemment l'histoire de Jason, qui forcé à l'exil après la mort de son père, décide de partir à la recherche de la toison d'or en Colchide pour que son peuple retrouve la foi, leur passe bien au-dessus de la tête mais ajoutez un géant de bronze et une armé de squelettes pour qu'ils deviennent les plus fervents défenseurs des argonautes.

Faites attention : j'ai envie de dire que les Péplums, c'est maintenant ou jamais. L'apogée du genre étant plutôt dans les années 50 et 60, les effets spéciaux ont l'âge de nos parents et il faut toute l'innocence d'un enfant de 6 ans qui n'est pas encore passé par la case Harry Potter pour se laisser convaincre par des monstres de pacotille.

Révisons l'Olympe

Entre un Jésus qui n'est que bonté mais qui les laissent avec un sentiment d'incompréhension (Mais pourquoi les gens meurent ? Mais pourquoi y'a la guerre ?), les Dieux de l'Olympe sont tout de même plus faciles à comprendre pour les enfants même si leurs comportements laissent à désirer.

"Mais maman, les Dieux, il sont méchants ?"

Oui, ma chérie, les Dieux sont cruels et c'est pour ça qu'il faut éviter de chercher des embrouilles au Dieu des haricots verts (profitons en). Remarquez que les hommes sont tout de même de grands idiots, incapables de retenir la leçon puisqu'ils semblent toujours prêts à défier les Dieux.

Et évidemment la palme de la crétinerie revient sans conteste à Hercule, le demi-dieu, qui cumule vanité des Dieux et effronterie des hommes. C'est un peu Hercule le poireau.

Entre les mains des Dieux, les hommes ne sont que des marionnettes. Pas étonnant donc que ce spectacle plaise aux enfants, même s'il remonte à la nuit des temps.

N'empêche qu'une Vie De Merde antique, c’est quand même beaucoup plus classe qu'une Vie De Merde contemporaine.

"Tous les jours je me fais voler ma nourriture par les Harpies envoyées par les Dieux parce que j'aide trop les humains avec mes pouvoirs de divination. Déjà qu'ils m'avaient rendu aveugle. VDM"
Par Phynée


Les effets spéciaux de ce film sont l'oeuvre de Ray Harryhausen, considéré comme l'un des grand maîtres de cette discipline. Dans Monstres&Cie, le restaurant au début du film s'appelle Harryhausen, un clin d'oeil à l'un des pères de l'animation.

vendredi 15 février 2013

Faut-il brûler les féministes d'aujourd'hui ?




16 heures. Réunion du mouvement féministe pour des femmes sans problèmes.
- Bonjour à toutes. Comme chaque année, nous allons revoir notre planning sur nos grands sujets féministes pour lesquels nous combattons. C'est pas bien compliqué, on va reprendre comme d'habitude nos thèmes de prédilection donc on va faire une grosse session sur la violence conjugale pendant le mois de janvier, en février on parlera évidemment du combat décisif sur l'égalité des salaires hommes-femmes puis au mois de mars, on fera notre livre blanc sur la protection de la femme au travail. Fin mars, il y aura évidemment notre pot de fin d'année, vous inquiétez pas. Ah oui j'oubliais ! Murielle, une petite nouvelle, propose qu'on crée un groupe de réflexion sur la vision du corps de la femme dans la société. Alors Murielle, merci pour cette initiative qui démontre ton enthousiasme mais tant qu'il y aura une femme battue dans ce monde, on préfère se focaliser là-dessus et on voit pas bien le rapport entre ton idée et nos combats.

Les empêcher de penser

Cette scène fictive représente à mon sens l'utopie publique sur le féminisme d'aujourd'hui. On aimerait que les féministes ne s'occupent que des grands débats liés aux problèmes de la condition féminine en admettant que ces problèmes subsistent dans un vase clos, sans aucun lien avec d'autres facteurs. Si l'on prend par exemple le cas des femmes battues, les féministes doivent logiquement manifester contre (ce qu'elles font) mais elles devraient s'arrêter là, juste dire qu'elles sont contre. Si elles commencent à avoir des pistes de réflexion du genre "Mais pourquoi les femmes sont-elles battues ?", "Pourquoi certaines femmes admettent comme inévitable d'être battues ?" ou "Pourquoi les femmes battues ne portent-elles pas toutes plainte ?", là ça commence à partir dans tous les sens et à devenir chiant. Chiant comme du Beauvoir ou comme toute thèse de doctorat de quelqu'un qui a trop réfléchi à une question.

Parce que les féministes posent comme problème global la place de la femme dans la société en se basant sur des courants féministes, un histoire féministe, des concepts et des sciences. Elles s'interrogent et on aboutit alors à des réflexions du type "Est-ce que la galanterie peut être perçue comme une codification de la domination de l'homme sur la femme ?" On peut refuser de se séparer de la galanterie mais on ne peut pas refuser aux féministes de s'interroger sur ce genre de détail.

Les anciennes vs les nouvelles

J'ai également lu que les féministes d'aujourd'hui ne valent pas celles d'hier. Qu'avant elles avaient des causes nobles comme le droit à la contraception mais qu'aujourd'hui elles se perdent dans des détails sans importance. C'est le syndrome du C'était mieux avant. Cela n'a aucun sens car le Avant n'existe plus, il fait partie du passé. Vouloir faire comme Avant, c'est nier l'existence de l'évolution.

Le C'était mieux avant aime le passé sans vraiment s'y intéresser. Il paraît que les féministes d'aujourd'hui ne veulent plus se raser les jambes, en réalité ça fait plus de 40 ans qu'elles y pensent, à une époque qui est justement considérée comme l'âge d'or du féminisme par ceux qui le boudent aujourd'hui. Les années 70 ont vu naître de nombreux groupes féministes avec des idées plus ou moins radicales comme le féminisme lesbien (on a qu'à coucher entre filles comme ça ça leur foutra bien les boules) ou encore le féminisme marxiste (tout ça, c'est la faute du capitalisme), ça n'a pas empêché dans le même temps qu'elles se battent et obtiennent le droit à la contraception et l'avortement. Le féminisme est pluriel et cela ne date pas d'hier. Arrêtez de croire que les féministes d'aujourd'hui ne sont pas dignes de leurs grandes soeurs ou, si vous préférez, arrêtez de croire que les féministes d'hier étaient moins connes que celles d'aujourd'hui.

Communication, monde cruel

Observons ce phénomène particulier. Quand les féministes manifestent leur point de vue pour une cause largement partagée par tous, l'électroencéphalogramme des salles de rédaction reste plat. Quand les féministes manifestent leur point de vue pour une cause largement partagée par tous mais les seins nus, on commence à avoir une activité cérébrale du côté des salles de rédaction. Mais quand les féministes manifestent leur point de vue pour une cause qui jusque là n'avait jamais été perçue comme une entrave à la liberté des femmes, il semblerait qu'un sirène retentisse dans tous les salles de rédaction en hurlant "Polémique". Si en plus elles font ça les seins nus, c'est New High Score.

Le 14 février, il y a quelques jours donc, une manifestation mondiale contre la violence faite aux femmes a été organisée par l'auteure du Monologue du vagin. Qui en a entendu parler ?

Le cas du Mademoiselle, retournez à l'école maternelle

C'est comme ça qu'on a eu le droit récemment à deux polémiques du genre avec des questions de changement d’appellation. Un truc dont tout le monde se foutait, moi y compris. Jusqu'à ce que les féministes posent le doigt dessus en sachant pertinemment qu'elles allaient en contrepartie être taxées de folles hystériques avec du poil aux pattes. On va dire qu'elles commencent à avoir l'habitude.

Mais revenons à ces deux sujets sur lesquels je ne m'étais jamais interrogée avant que les folles hystériques avec du poil aux pattes ne s'en emparent. Mademoiselle est un joli mot, qui sent bon le Timotei et Eau Jeune (du moins à mon époque) mais Mademoiselle n'est plus un joli mot dès lors qu'on a passé la date de péremption et qu'il sent la crème anti-rides. Mademoiselle n'est plus un joli mot dès lors qu'une maîtresse de l'école de ma fille a passé ses 50 ans et que tout le monde se demande si c'est "une mal-baisée ou peut-être même une gouine". Aujourd'hui je ne m'offusque pas si on m'appelle mademoiselle (même si à mon âge, ça ne peut venir que d'un vil flatteur) mais mon regard sur ce mot a changé et j'ai effectivement réalisé qu'il y avait une injustice à ce que le Mademoiselle puisse faire état de ce qui se passe (ou pas) dans le lit des femmes.

Maternelle est aussi un joli mot (décidément !) que la députée Sandrine Mazetier voudrait détacher du mot école. C'est un cas intéressant parce que je n'ai trouvé aucune référence qui puisse rapprocher cette femme à un mouvement féministe cependant tout le monde s'accorde à dire que c'est le nouveau combat - idiot - des féministes (faudrait aussi qu'on s'interroge sur ce qu'est une féministe dans ce cas). Là encore, ça m'était largement passé au-dessus de la tête avant que cette femme ne fasse sa proposition. Je me suis donc interrogée sur ce mot et les situations dans lesquelles on le rencontrait. J'ai trouvé l'instinct maternel, l'assistante maternelle et (on m'avait aidée) l'école maternelle. D'un coup j'ai senti toute cette pression sur mes épaules, ce poids inconscient qui me destine à être prioritairement responsable de l'éducation de mes enfants, du moins dans leurs premières années de vie. Et le père, celui que je considère comme mon égal et aussi qualifié que moi pour s'occuper des enfants, il est où dans tout ça ?

Ces deux interventions "féministes" sur une question lexicale me ramènent à cette polémique des années 80 sur la féminisation des noms de métier. On a crié au scandale, au ridicule et à la mort de la langue française quand on a proposé de féminiser certains métiers comme auteure ou ingénieure. Aujourd'hui ces mots ne me choquent plus et je les utilise pour dire "Oui ma fille, si tu veux quand tu seras grande tu seras une ingénieure", parce que si je dis un ingénieur, elle va encore me dire que je veux lui faire faire des trucs de garçons. Rappelons que l'Académie Française condamne toujours l'utilisation de ces mots.

Combat contre leur gré

Le vrai problème des féministes, c'est qu'ils prennent la parole pour un groupe, les femmes, totalement hétérogène. Et que pour corser le tout, les féministes eux-mêmes constituent un groupe totalement hétérogène. Du bordel sur du bordel, ça ne fera jamais un truc très clair, c'est scientifiquement prouvé. D'ailleurs ça marche pour tout groupe, les syndicats, les partis politiques, les religions, les associations, les entreprises,etc. Ça marche même pour une copropriété de 10 personnes (ça c'est mon vécu).
On ne peut pas reprocher aux féministes des incohérences et des prises de positions contradictoires alors que cela est inhérent à tout groupe. A moins que .... vous voulez dire que ce sont des femmes donc elles sont mieux organisées ?

Et les hommes ?

Mais le pire reproche qu'on puisse faire aux féministes, c'est de leur dire que leurs combats n'intéressent pas les hommes. D'abord on en sait rien : c'est vrai que je n'ai jamais rencontré d'homme féministe engagé mais faut dire aussi que je n'ai jamais non plus rencontré de femme féministe engagée (dire que j'écris un pavé sur des gens qui n'existent peut être même pas, je me sens mal). Et puis derrière tout ça il y a surtout cette idée que si les hommes ne prennent pas part à ces débats, ça démontrerait toute l'idiotie du truc. Oh Wait ! Tu serais pas en train de sous-entendre que s'il n'y a que des femmes pour en parler, ça confirme qu'il s'agit d'un sujet superficiel et non digne d'intérêt ?

En conclusion, si on brûle les féministes d'aujourd'hui alors qu'on brûle aussi les sopalins (OK, j'avoue, j'avais pas de conclusion).

Il y a quoi après la mer ?


Hier j'ai lu un livre, ça s'appelle "La Mer" de John Banville (985ème de la liste)



Bienvenue dans la tête de Max, historien de l'art, tout juste veuf et déboussolé de l'être.

Alors que sa femme se meurt, Max fait un rêve qu'il prend comme un signe et qui l’entraîne 50 ans en arrière lorsque, à 11 ans, il se lia d'amitié - et bien plus encore - à une famille troublante, Les Grace, lors de ses vacances d'été au bord de la mer. Sa femme à peine ensevelie, Max décide d'aller vivre pour un temps non déterminé dans la villa qu'avait louée à l'époque la famille Grace.

Nous suivons donc Max dans son "pèlerinage", totalement obnubilé par le passé entre sa femme et l'été de ses 11 ans, à tel point que lorsque d'autres l'obligent à refaire surface et à revenir dans le présent, cela parait au contraire irréel.

La Mer est un récit égocentré, les flux et reflux d'un homme qui se laisse porter par les vagues du désespoir. C'est en lisant ce genre de livre qu'on peut réaliser quel rapport nous entretenons avec les épisodes marquants de notre vie, et notamment le deuil.

"Renvoie-moi ton fantôme. Tourmente-moi, si ça te plaît. Agite tes chaînes, balaie le sol de ton linceul avec un zèle de banshee, de fée annonciatrice de la mort, n'importe quoi. Ca me ferait un fantôme.
Où est mon biberon ? J'ai besoin de mon biberon de grand bébé. Mon calmant."

Cela confirme ma position de combattante, du genre adepte de la résilience. Retourner le couteau dans ses plaies est pour moi un acte de barbarie contre soi-même. Je n'aime ni les désespérés, ni ceux qui s'apitoient. Dès lors, j'ai tout fait pour que Max me soit désagréable, pour pointer du doigt tout ce qui pouvait le rendre antipathique comme ses rapports avec sa fille ou sa relation passée avec sa femme.

"Elle essayait alors de devenir photographe, prenait des vues maussades et matinales, noir de suie et argent brut, de certains des quartiers les plus lugubres de la ville. [...] Je n'ai jamais attaché beaucoup d'importance à ces initiatives. J'aurais peut-être dû."

Pour me protéger, j'ai laissé cet homme seul se noyer. Je suis restée loin du rivage, bien à l'abri des relents de marée basse. On ne m'entraînera pas à chercher ce qu'il y a après la mer.

John Banville est comme ces dessinateurs qui, en quelques coups de crayon, arrivent à vous tirer le portrait en soulignant les failles que vous pensez invisibles. J'ai donc pu sauver ma lecture  en me régalant des descriptions  très soignées, des tableaux tellement vivants qu'ils semblaient danser devant mes yeux.

"C'était un joyeux petit bonhomme doté de mains fines et minuscules et de pieds minuscules. Sa garde-robe comprenant d’innombrables costumes de Savile Row, des chemises de chez Charvet en soie aigue-marine, vert bouteille et crème et des douzaines de paires de chaussures miniatures sur mesure me stupéfia. Sa tête, qu'il emmenait faire raser chez Trumper's un jour sur deux - les cheveux, c'est de la fourrure affirmait-il, aucun être humain ne devrait les tolérer-, était un oeuf parfaitement lisse, et il portait les grosses lunettes prisées par les riches hommes d'affaires d'alors, avec larges embouts et verres épais comme des culs de bouteille derrière lesquels ses petits yeux perçants s'agitaient avec une vivacité de poissons exotiques particulièrement curieux. Incapable de tenir en place, il sautait sur ses pieds, se rasseyait, puis ressautait sur ses pieds, de sorte qu'il ressemblait, sous ces hauts plafonds, à une microscopique noix dorée brimbalant avec fracas dans une coquille démesurément grande."


Mélancolie en français, Spleen en anglais, Saudade en portugais, mais aussi fiu en polynésien, un état d'abattement généralisé et d'ennui total. Le fiu est accepté et peut toucher tout polynésien, à n'importe quel moment. On attend juste que ça passe.

jeudi 14 février 2013

Qu'ont-ils fait de l'amour ?


"Pimentez votre couple"

Ils n'ont que ce mot-là à la bouche, pourtant si mal choisi. Parce qu'en croquant un piment, on brûle puis on ne ressent plus rien. Comment peut-on associer à l'amour un aliment qui anesthésie ? Où sont les nuances, les degrés ? Justement en parlant de nuances, on ne peut plus sortir sans entendre parler de celles de Grey.

Je ne l'ai pas lu, je ne le lirai pas. Je vous rappelle quand même que j'ai une liste de 1001 livres à terminer ce qui, grosso modo, implique 20 ans de travail. Si vous voulez me faire lire un livre, repassez donc dans 21 ans. J'ai tout de même eu le "privilège" de consulter les premières pages de ce roman grâce à Elle, c'était bien assez pour me forger une opinion, celle que j'avais déjà. Ok, c'est mal écrit mais s'il n'y avait que ça, passe encore.

Ce qui m'agace particulièrement, c'est cette vision de l'amour qu'on a mis en string et à qui on demande de faire un combat de boue. Ce livre serait considéré comme un roman de gare érotique (le roman, pas la gare bien entendu), je pourrais laisser passer mais E.L James affirme qu'il s'agit d'un roman d'amour alors je crie à l'imposture. L'amour ne peut naître que parce qu'un homme a le compte en banque nécessaire pour louer un hélicoptère et acheter des Louboutin ? L'amour ne peut naître que si l'autre a de gros problèmes psychologiques qu'on doit bien évidemment comprendre sous peine de passer une ingrate ( je rappelle qu'on a déjà profité de ses gros billets alors, à un moment faut bien passer à la caisse) ? 

L'amour selon E.L James, c'est une histoires de bosses, une au niveau de la braguette et deux autres au niveau des poches, bien remplies les poches. Dans la vraie vie, si on avait une copine comme Anastasia (le même prénom qu'une soeur de Cendrillon, elle en déjà assez bavé la pauvre fille), on n'aurait qu'un conseil à lui donner "Mais jette-le, ce mec est un psychopathe !" ou à la limite, si elle s'obstine dans sa liaison "Non mais t'as raison, faire du SM dans une chambre d'hôtel à 5000 euros la nuit, ça fait beaucoup moins mal"

Ce n'est pas une question de pudibonderie, ni de sexualité. Faites comme vous le sentez. Remarquez je trouve que ce livre peut faire beaucoup de mal au sado-masochisme, ce qui est tout de même un comble. Les pratiques sexuelles sont une construction complexe et ce qui excite dans l'idée n'excite pas forcément dans l'acte. Vous précipitez pas là-dedans comme si c'était le Saint-Graal de l'orgasme assuré. Ca risque seulement d'encombrer un peu plus les urgences de nuit et ils ont déjà assez de travail comme ça. Quitte à avoir mal par amour, autant aller donner son sang.

Ce qui m'agace c'est cette supercherie de l'amour, cette idée que le sexe est une condition sine qua non à une relation sublimée de l'amour. Il faudrait tenir un quota de baise pour savoir si on est toujours amoureux ? 

Chérie, re-apprenons-nous à nous aimer. Voilà les menottes.

Les menottes qui vont t'enfermer dans ce schéma tellement simpliste de beaucoup de sexe implique beaucoup d'amour. Moi, je trouve ça moche de réduire l'amour à une histoire de consommation, il vaut beaucoup mieux que cela.

Et en parlant de beaucoup mieux que cela, si vous voulez vraiment lire l'amour, entendre l'amour, voir l'amour, j'ai fait ma petite sélection sans prétention de grandes oeuvres romantiques. Mes choix sont loin d'être originaux,ils sont plutôt convenus mais pour une fois, ça me fait plaisir, cela signifie que je ne suis pas seule à partager cette vision de l'amour.

1. Un livre sur l'amour : Fragments d'un discours amoureux



Tout ce qui peut être écrit sur l'amour est déjà dedans.

2. Un film d'amour : In the mood for love



En renonçant à l'amour, ils le portent aux nues. 

3. Un album d'amour : Histoire de Melody Nelson


Le soleil est rare
Et le bonheur aussi
Mais tout bouge
Au bras de
Melody.



Le 25 février 1980, Roland Barthes est percuté par une camionnette d'une entreprise de blanchissage. Il meurt un mois après de la suite de ces blessures. 

mercredi 13 février 2013

mardi 12 février 2013

Ceci est un avertissement




- Bien, Madame Electroménagère, si je vous ai convoqué aujourd'hui ce n'est pas pour vous donner une bonne nouvelle. Votre cas a été discuté très récemment lors du conseil annuel et même si la décision a été difficile à prendre, je suis malheureusement dans l'obligation de vous annoncer que nous allons devoir nous séparer de vous.
- Hein ? Quoi ? Comment ?
- Ecoutez, nous avons étudié attentivement vos chiffres et il faut admettre que c'est loin d'être une réussite. Prenons par exemple votre taux de commentaires, nous avons noté une baisse significative, bien en-dessous de la moyenne nationale.
- Non, mais attendez les commentaires, ça ne veut rien dire ! Peut-être que les gens n'ont rien à ajouter, que justement ils sont d'accord avec ce que j'écris. On dit bien "Qui ne dit mot consent".
- Admettons mais vous cumulez également un résultat médiocre en terme de lecteurs. N'avez-vous pas songé que si vous n'aviez pas de commentaires c'est également parce que vous n'aviez pas de lecteurs ? Regardez ce graphique, il est pourtant parlant non ?
- Je ne vois pas comment il pourrait parler, il n'a même pas de bouche.
- Ah ne jouez pas sur les mots, voyez où ça vous mène ! Moi je vous dis que ce graphique est parlant et qu'il dit "Arrêtez de creuser, vous êtes déjà au fond du trou".
- N'empêche que ce n'est pas parce que je n'ai ni commentaires, ni lecteurs que j'écris mal. C'est juste que je dois pas encore avoir trouvé mon public. Regardez Van Gogh, personne ne voulait de ses toiles et aujourd'hui il est considéré comme l'un des plus grands génies de la peinture.
- J'en déduis donc que vous souhaitez mourir seule et dans la misère. Considérez alors ce licenciement comme une réussite personnelle.
- Non mais d'abord, je viens de percuter ! Vous pouvez pas me virer, c'est mon blog, je fais ce que je veux, je ne suis même pas payée pour le faire. Et en plus vous n'existez même pas, vous n'êtes que le fruit pourri de mon imagination !
- Ah évidemment, des arguments de syndicaliste, je m'en doutais ! Bon, nous allons reconsidérez votre cas dans ce cas. Voyez que moi aussi, je suis adepte du jeu de mots. Enfin sachez que nous vous avons à l'oeil et que l'épée de Damoclès est au-dessus de votre tête alors vous feriez mieux de courber l'échine si vous ne souhaitez pas être scalpée. Ceci est un avertissement.
- Bon, je peux retourner travailler alors ?
- Oui mais faites un effort de grâce. Pensez performance, rentabilité, investisseurs. Et pensez à la France, Madame Electroménagère, la FRANCE !


Brigitte Gemme serait l'auteure du premier blog francophone en 1995. Il s'intitulait Montréal, Soleil et Pluie. Mais qui sera la dernière ?

lundi 11 février 2013

Ce ne sont que quelques briques




Papa est mort. Et Maman va revendre la maison.

C'est le moment de faire du Home Staging de sentiments parce qu'après tout il ne s'agit que de quelques briques, rouges qui plus est. D'autres familles étaient là avant nous, d'autres familles suivront. L'immobilier, bizarrement, bouge.

Les maisons familiales disparues, j'en ai tout un pâté de maisons dans la tête. La première de la rue est si irréelle que je me demande parfois si cette maison de campagne a vraiment existé. Elle est cachée dans une forêt, au milieu des bois. Les adultes y font leur week-end dans un confort rudimentaire et alors que les verres trinquent, je me balade avec le chien. Si l'on prend à droite, il y a la maison de grand-père et grand-mère, pompeusement nommée villa balnéaire. En ouvrant la porte de la cuisine, on atterrissait directement dans les dunes, un terrain de jeu aujourd'hui ensablé sous d'autres villas balnéaires.  A gauche, la maison de papi et mamie, tellement immense, tellement impressionnante que la nuit je n'osais sortir de mon lit pour aller faire pipi. Au bout de l'allée, on pourra contempler la maison de la tante, celle des cousins des champs qui venaient voir les cousines des villes.

On a perdu les clés de toutes ces maisons. Quand on n'est pas héritier direct, on fait preuve d'égoïsme, on se paie le luxe des regrets et des sentiments d'abandon parce qu'on peut faire l'impasse de la cave inondée, de la toiture à refaire, du jardin à entretenir et des escaliers trop abrupts. On a quitté cet endroit il y a bien longtemps déjà et on voudrait ne pas accorder ce droit aux autres. C'est qu'on serait presque des petits cons.

Petite, Maman t'a montré la maison de ses grands-parents, la tombe des aïeux inconnus. Ca ne te fait ni chaud, ni froid, ni tiède. On n'hérite pas des souvenirs des autres, en tout pas de ceux qui pèsent plus de 200 kilos. Ce serait trop lourd à porter et on a déjà notre lot de souvenirs encombrants.

Papa est mort. Et Maman va revendre la maison.



Il existe un site français consacré à tous les lieux abandonnés dans le monde Urbex France. L'activité de visiter des lieux abandonnés s'appelle l'exploration urbaine.